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Le Site historique national de Paspébiac dans les années 1990.
Le Site historique national de Paspébiac dans les années 1990.
Rapport de la Commission des lieux et monuments historiques
22 avril 2021

En 1998, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada a rédigé une étude sur les bâtiments de Paspébiac, dans l’objectif de déterminer s’ils étaient éligibles à une aide financière pour la restauration. 

 

Introduction

Le banc de pêche de Paspébiac constitue un important témoin de l’histoire socio-économique de la Gaspésie. Situé dans la baie des Chaleurs,  au nord-est de  New-Carlisle, il comprend des installations de pêche construites par deux des plus importantes sociétés jersiaises à s’être implantées au Canada aux XVIIIe et XIXe siècles, les compagnies Robin et Le Boutillier. De la centaine de bâtiments qui se dressaient auparavant sur les lieux,  très peu ont subsisté jusqu’à nos jours pour rappeler le rôle dominant des activités de pêche et du commerce de la morue séchée dans le développement de la région.

Durant les années soixante, après qu’un violent incendie eut ravagé  une  grande  partie  du banc, le ministère de l’industrie et du Commerce du Québec a projeté de démolir quatre des bâtiments ayant échappé aux flammes – un entrepôt à poisson, un office, un hangar et une poudrière – en vue de les remplacer  par  des  édifices  modernes. Des  groupes locaux se sont aussitôt opposés au projet et ont demandé l’appui des autorités pour éviter que disparaissent ces rares témoins de leur histoire. Appelée à se prononcer sur leur importance historique nationale, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada recom­mandait leur désignation en 1973 et suggérait que: [… ] every effort be made to insure their preservation until the Board has had an opportunity [to] consider their possible use for the interpretation of the inshore fishing industry in the Gulf  of St. Lawrence [… ].

La prise en charge des bâtiments en 1977 par le Comité pour la sauvegarde des bâtiments historiques de Paspébiac, puis la création en 1981 du Site historique du Banc-de-Paspébiac par le gouvernement du Québec ont toutefois mis un frein à ce projet: [… ] in view of the work which had  been  carried  out  at  Paspé­biac, the Board commended that the  Program  limit  its  involve­ment with this site to commemoration by means of a plaque – the  text of which should make reference to the prominence of Char­les Robin.

La Commission a dès lors invité le Programme à s’intéresser à d’autres lieux pour commémo­rer le thème des pêches sédentaires dans l’histoire canadienne, encourageant plutôt la mise en valeur de l’ancien établissement de pêche de Grande-Grave, compris dans le territoire du parc national Forillon: Further, the Board expressed its support for the development of Grande­ Grave in order to interpret the national historic  significance of the inshore or sedentary fisheries in the Gaspé peninsula.

Le Site historique du Banc-de-Paspébiac compte aujourd’hui dix bâtiments anciens et une chambre-forte qui servent à interpréter le thème de la  pêche  en Gaspésie  et les diverses époques de l’exploitation du banc. Sous le leadership de son propriétaire, le Comité pour  la  sauvegarde  des  bâtiments  historiques  de  Paspébiac,  ainsi qu’avec l’appui  financier du gouvernement québécois et de la population locale,  les quatre  bâtiments désignés en 1973 par le gouvernement fédéral ont été restaurés au cours des années 1980. Les conditions climati­ques maritimes de la région ont affecté depuis l’état de ces  bâtiments  et des travaux  d’entre­tien et de réparation doivent maintenant être effectués afin de les protéger contre une dégra­dation encore plus grande. Le Comité pour la sauvegarde des bâtiments historiques de Paspébiac souhaite également entreprendre des travaux d’amélioration et de restauration des autres bâtiments compris dans le périmètre historique actuel. C’est donc pour répondre à ces divers besoins qu’il a sollicité l’aide financière de différentes sources publiques et privées et qu’il a soumis une demande dans le cadre du Programme de partage des frais.

Deux questions principales sont donc portées ici à l’attention des membres de la Commission. Tout d’abord, il importe de mettre en contexte la désignation de 1973, compte tenu que les quatre bâtiments désignés d’importance historique nationale font partie depuis 1981 d’un site historique québécois qui englobe d’autres édifices et structures. Ensuite, il faut évaluer les besoins d’aide financière exprimés par la gestion du site pour déterminer s’ils répondent aux critères actuels du Programme de partage des frais. Ce rapport se divise dès lors en trois parties. La première présente un bref historique du banc de Paspébiac sous le contrôle des compagnies Robin et Le Boutillier afin de souligner  le rôle respectif  de chacune  ainsi que pour rappeler leur importance dans l’économie des pêches sédentaires de l’Est canadien. La deuxième partie décrit brièvement les quatre bâtiments désignés en mettant l’accent sur leur évolution depuis la fin des années  soixante-dix. Cette section les resituera  également dans leur environnement actuel, c’est-à-dire en relation avec les autres  ressources culturelles du site. Finalement, la dernière partie résume les principaux  points de la demande soumise dans  le cadre du Programme de partage des frais.

 

Le banc de Paspébiac : un lieu de pêche et de commerce

Le banc de Paspébiac est formé d’une longue bande triangulaire de sable et de gravier, modelée par l’action des courants convergents de la baie des Chaleurs. Site de campement estival et de transactions pour les Micmacs de la péninsule gaspésienne et des régions avoisinantes, il est fréquenté dès la fin du XVIe siècle par des pêcheurs européens – Basques, Normands et Bretons – attirés par l’abondance du poisson, les grèves propices au séchage de la morue et les possibilités d’échanges avec les populations autochtones. Ces activités se poursuivent tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, sans engendrer d’établissement permanent, à l’exception de l’installation de quelques familles d’origine acadienne. L’arrivée de Charles Robin, peu après la Conquête, va toutefois modifier cet état de faits.

Natif de l’île anglo-normande de Jersey, Charles Robin est mandaté au printemps 1766 par la société Robin, Pippon and Co.  pour repérer un site propice à l’établissement d’un comptoir de pêche. Paspébiac lui apparaît comme un endroit idéal :  bien situé dans  la  baie des Chaleurs, le terrain vaste et dégagé permettrait d’y construire aisément des entrepôts et des résidences; la grève servirait au séchage de la morue et le port,  profond  et  bien  protégé en cas de tempête, pourrait accueillir des bateaux à grand tonnage. À peine âgé de 22 ans, Robin s’installe sur les  lieux  dès  l’année  suivante  et  s’adonne  à un commerce  diversifié,  fondé en grande partie sur le troc de marchandises variées telles que le sel,  des  agrès  de  pêche,  du beurre, des spiritueux, de la  farine,  de  la  poudre  à  fusil,  en  échange  de  fourrures,  d’huiles  et de morue. Malgré la concurrence de marchands anglais de Québec, son entreprise demeure rentable pendant une dizaine d’années mais les  troubles  qui  éclatent  entre  les  colonies américaines et l’Angleterre perturbent ses activités et minent ses profits de façon significative. Découragé, il retourne à Jersey après que des corsaires aient pillé et incendié son comptoir. 

La paix rétablie, Robin revient à Paspébiac en 1783 en tant que directeur d’une  nouvelle société : la Charles Robin and Co.  Renouant avec ses anciens clients,  il relance ses activités en choisissant cette fois-ci de se concentrer seulement sur le commerce de la morue séchée. Pour solidifer les bases de son établissement, il s’empresse d’obtenir de la Couronne quelques terres boisées afin de répondre à ses besoins d’approvisionnement en bois de construction  et  de chauffage. Il fait aussi confirmer ses titres sur  un lot de ferme de 50 acres dans  le premier rang de Paspébiac ainsi que sur une partie des lots de grève du banc où il fait cons­truire des résidences, des cook-rooms pour les pêcheurs et les graviers, des entrepôts pour le sel, des ateliers de réparation, etc.

En 1791, Robin ouvre un chantier naval à Paspébiac qui le rendra autonome à l’égard des transporteurs de Jersey et d’Angleterre. On y construira goélettes et brigantins pendant près d’un siècle. À peu près à la même époque, il implante des succursales à Percé et à Grande­ Rivière, dont il acquiert la seigneurie. Grâce à ses appuis politiques et à son mode de gestion basé sur un système de crédit marchand, il étend rapidement son contrôle sur la quasi-tota­lité des activités de pêche de la région. C’est donc une entreprise en santé qu’il laisse à son neveu Philip Robin, lorsqu’il quitte définitivement Paspébiac en 1802.

Les livres de comptes, la correspondance et quelques plans nous donnent une bonne idée de la croissance exceptionnelle de la compagnie du début du XIXe siècle jusqu’aux années 1870. Au cours de cette période, ses exportations de morue  séchée grimperont  de 15 000 à quelque 60 000 quintaux. Ses bateaux sillonnent les côtes et vont accoster en Europe – au Portugual, en Espagne, en Grande-Bretagne et en Italie -, dans les Antilles et au Brésil pour livrer leur cargaison de «salt fish» d’avril à juin, de «green fish» en juin et juillet et de «new  fish» de juillet à novembre. La Robin embauche alors plusieurs centaines de pêcheurs et autres em­ployés dont la survie dépend presque entièrement d’elle. Elle crée de nouveaux établisse­ments de pêche et de commerce à Caraquet (1838), Newport (1855) et Magpie (1871) et transforme rapidement le petit comptoir de Paspébiac en un important centre de liaison et de contrôle de ses activités. 

Le développement du banc de Paspébiac reflète bien toute cette prospérité. Un plan de 1816 y révèle la présence de 16 bâtiments en bois et de six autres sur la côte, liés à la ferme de la compagnie. Plus détaillé, celui de 1819 indique que l’établissement occupe sur la grève un lot de près de trois acres et montre nettement trois ensembles de bâtiments à fonction commerciale, industrielle et résidentielle, distribués autour de la maison du maître et du comptoir de commerce. Cette organisation de l’espace demeurera fondamentalement la même par la suite, malgré l’augmentation de la densité du bâti, le réaménagement  de  plu­sieurs édifices, la réaffectation de certains et la démolition de quelques autres.

Un plan de 1870 montre ainsi un site très rempli, encombré même, comptant une quarantaine de bâtiments et installations de toutes sortes. La maison des commis – l’office – y constitue le coeur de l’établissement, sa localisation permettant au gérant de bien surveiller les travaux effectués sur les échafauds et tout autour, ainsi que les activités des bateaux qui mouillent dans le port. À proximité du quai, on retrouve les entrepôts de marchandises (sel, poisson, huile, mélasse, bardeau, etc.) et les  magasins de la compagnie;  à  l’arrière,  donnant sur le barachois, le terrain qui s’étend du pont du banc (ouest) au milieu de l’établissement est occupé par les boutiques des artisans, les hangars et les entrepôts des matières premières servant aux diverses activités de fabrication et de réparation (menuiserie et charpenterie, forge, peinture, etc.). Finalement, cet ensemble de bâtiments industriels est complété à l’est par une série de bâtiments résidentiels, les «cookrooms» des artisans, des pêcheurs et des gra­viers, utilisés de façon saisonnière.

À partir des années 1840, la Robin doit faire face à de solides concurrents dont plusieurs, originaires eux aussi de Jersey, ont appris leur métier au sein même de la compagnie, tels que William Fruing, John Le Boutillier, De la Perrelle Brothers, etc.  Le plus important d’entre eux, David Le Boutillier, fait preuve de témérité en s’installant en 1838 à proximité de son ancien employeur. S’associant à deux de ses frères, Amy et Edward, il crée la Le Boutillier Brothers et érige ses bâtiments juste à l’ouest de l’établissement Robin. Bien formé, il reprend les méthodes d’exploitation de son maître et développe rapidement sa compagnie; il fonde des établissements de pêche à l’Île-au-Bois et à Forteau, au Labrador; il s’installe à l’île Bonaventure et à la pointe Miscou (Nouveau-Brunswick), puis il ouvre un magasin de vente au détail à New-Carlisle. L’entreprise devient au milieu du XIXe siècle la principale compétitrice de la Robin en se classant au deuxième rang des exportateurs de morue séchée. Ses installations sur le banc de Paspébiac demeurent  toutefois plus  limitées en nombre que celles de sa rivale. Elle y construit par contre un immense entrepôt qui se démarque de tous les autres par ses dimensions et sa localisation fonctionnelle sur un quai de déchargement, faisant dire à Thomas Pye qu’il s’agit «de la plus grande et la  plus  parfaite chose du genre dans le district de Gaspé».

À partir des années 1870, le commerce de la morue séchée en Gaspésie  commence  à donner des signes de déclin. Le volume des exportations augmente encore un peu mais les marchés sont de plus en plus encombrés alors que d’autres producteurs,  tels que Terre-Neuve, l’Irlande et la Norvège, livrent une compétition farouche aux compagnies  jersiaises. Celles-ci ne réussissent pas à s’adapter aux changements fondamentaux qui s’opèrent dans les techni­ques de conservation du poisson,  les réseaux commerciaux et les revendications d’une main­ d’oeuvre qu’elles ne contrôlent plus comme auparavant. Quelques  mauvaises  saisons de pêche et d’importants dommages causés par les intempéries ajoutent alors à leurs difficultés. Finalement, elles sont bouleversées de fond en comble par une grave crise financière qui éclate en février 1886, suite à la faillite de la Jersey Banking Co., leur principale bailleuse de fonds. Les compagnies jersiaises perdent subitement toutes leurs liquidités et ne peuvent plus répondre aux demandes en approvisionnement de leurs clients et des pêcheurs menacés de famine. Pendant que la révolte gronde au sein de la population, elles doivent fermer leurs portes et cesser leurs activités. Certaines disparaîtront à tout jamais, d’autres  parviendront à se restructurer et à redémarrer sur d’autres bases.

Les compagnies Charles Robin and Co. et Le Boutillier Brothers figurent parmi celles qui réussissent à reprendre leurs activités. Dès le mois de mars 1886,  la première passe aux mains d’une société formée de Gervaise Legros, Edward De La Parelle et Elias Collas, de Jersey. Deux ans plus tard, elle est réorganisée sous la raison sociale de Charles  Robin & Co. Limited et, peu après (1891-92), sous celle de Charles Robin, Collas & Co. Ltd. Un nouveau dynamisme l’anime et, très vite, il devient clair que les bouleversements de 1886 lui ont donné l’élan dont elle avait besoin pour franchir le cap du XX siècle. En 1904, ses diri­geants, qui contrôlent près d’une trentaine de stations de pêche en Gaspésie et sur la Côte­ Nord, décident de déménager leur siège social à Halifax. Le banc de Paspébiac perd dès lors son rôle de centre de liaison et de plaque tournante de la compagnie. En 1910, celle-ci fusionne ses intérêts à ceux des compagnies A.G. Jones et A.H. Whitman et prend la raison sociale de Robin, Jones and Whitman. Trois ans plus tard,  elle  achète  une  partie de  la William Fruing & Co. qui fait affaire en Gaspésie et au Nouveau-Brunswick. L’entreprise gigantesque diversifie davantage ses activités, développe son négoce et ouvre une série de magasins généraux le long de la côte, à Gaspé, Pabos, Rivière-au-Renard, Caraquet, etc.

Après sa liquidation en 1886, la Le Boutillier Brothers, quant à elle, passe aux mains d’hom­mes d’affaires de Québec et devient la Le Boutillier Brothers Co. Elle  reprend vie mais demeure toujours plus fragile que la Robin.  Disposant de moins de capitaux et faisant preuve de plus de conservatisme, elle subit davantage les contre-coups de l’affaiblissement de l’indus­trie morutière au sein de l’économie gaspésienne tout au long du premier quart du XX siècle. Elle devra fermer définitivement ses portes en 1923, cédant  le marché à sa  rivale de toujours et aux coopératives créées par les pêcheurs à la recherche d’une meilleure qualité de vie. 

Au cours de ces années cruciales,  le  banc  de  Paspébiac  perd  graduellement  son  importance, ce qui entraînera peu à peu la désuétude  des  bâtiments et des infrastructures construits durant les années de  prospérité.  De  la crise de 1886 à la  Première  Guerre  mondiale,  la  Robin et la Le Boutillier se contentent d’exécuter les réparations nécessaires aux bâtiments existants afin de les garder fonctionnels, figeant ainsi l’organisation de l’espace à celle des années  1870. Vers 1915-1920, la Robin réalise quelques travaux de soulèvement pour déposer les vieux bâtiments sur des fondations en ciment et «modernise» légèrement les résidences des agents de la compagnie. Dans les années vingt,  elle s’installe dans des édifices de la Le Boutillier après la fermeture de cette dernière,  mais il semble que déjà un grand nombre de bâtiments du banc ne servent plus qu’à des fins d’entreposage des marchandises destinées aux magasins généraux de la compagnie, tandis que d’autres sont tout simplement abandonnés.

Les années trente montrent toute l’urgence de réformer et de moderniser les pêches gaspésien­nes qui demeurent précaires parce qu’elles reposent sur une  seule variété de poisson,  la morue, et n’utilisent qu’une méthode de préparation,  le séchage. Elles souffrent également d’un manque flagrant d’infrastructures adéquates (quais et abris insuffisants, quasi-absence de réfrigération, problèmes de transport, etc.). Le gouvernement du Québec tente alors  de redresser la situation en soutenant les pêcheurs indépendants et les coopératives.  Il  investit dans la construction d’entrepôts frigorifiques, de neigères et de séchoirs mécaniques et encourage la formation de spécialistes qui réussiront peu à peu à développer et inculquer de nouvelles méthodes de traitement du poisson. À la veille de la guerre, la plupart des vieilles compagnies de pêche ont disparu, mais la Robin résiste toujours. Dans les années cinquante, elle fait l’effort de moderniser ses installations et construit sur  le  banc de  Paspé­biac sa propre usine de traitement du poisson frais, à l’instar de ce qui se fait ailleurs en Gaspésie; cette initiative lui coûte toutefois très cher. Au début des années  soixante, après avoir tenté en vain de vendre son usine de Paspébiac à l’importante Fédération des Pêcheurs­ Unis, elle décide de délaisser ses activités maritimes pour se concentrer essentiellement sur son réseau de magasins généraux. Finalement, dans la soirée du 21 juin 1964, un incendie éclate sur le banc de Paspébiac et détruit les trois quarts des bâtiments encore debout. Le journal rapporte : Le feu a causé des dommages évalués à $ 1 500 000 à 18 bâti­ments qui appartenaient à la Robin, Jones and Whitman de Paspébiac. La machinerie de l’usine de poisson évaluée à $ 100 000, l’usine de farine de poisson,  [la  boutique] de  vente en gros, l’atelier de menuiserie,  les bureaux,  l’atelier de soudure et de forge, l’entrepôt de matériaux de construction furent com­plètement détruits par le feu. 

Le site dévasté de la Robin est laissé  à l’abandon  pendant quelques  années. Puis, des projets de développement industriel ayant été mis de l’avant, le ministère de  l’ Industrie  et du Commerce du Québec, alors gestionnaire du site, planifie de démolir certains des bâtiments encore debout pour les remplacer par de nouveaux. Des citoyens de la région se mobilisent aussitôt pour revendiquer leur protection, marquant ainsi le début d’un long processus de consultation et de démarches auprès des différents paliers gouvernementaux. Ils franchissent un premier pas en 1973 avec la désignation fédérale des quatre édifices menacés de démoli­ tion immédiate; mais ils veulent plus. Quelques années plus tard, en 1981, ils réussissent à obtenir que tous les bâtiments ayant échappé aux flammes soient protégés par l’effet de la Loi sur les biens culturels du Québec et que soit créé le Site historique du Banc-de-Paspébiac. Au cours de cette période, le gouvernement fédéral consacrera pour sa part ses énergies à l’interprétation du thème des pêches sédentaires en Gaspésie en mettant en valeur le site de Grande-Grave dans le parc national Forillon, à peine une centaine de kilomètres à l’est de Paspébiac.

 

L’évolution du site et des bâtiments Robin et Le Boutillier depuis 1981

La mise en valeur

Le visiteur qui emprunte aujourd’hui la route secondaire conduisant au banc de Paspébiac ne peut manquer d’être impressionné par la beauté des lieux. Les dix bâtiments anciens et la chambre-forte qui font partie du périmètre historique sont intimement liés les uns aux autres par leur évocation commune de tout un passé d’activités économiques et sociales axées sur la pêche et qui ont si profondément marqué le paysage gaspésien. Ossatures de bois aux revêtements de bardeaux, à l’exception de deux qui ont été érigés en pierre,  ils  révèlent par leur volumétrie et leur conception l’influence de l’architecture de la Nouvelle-Angleterre qui s’est répandue sur la côte Est du Canada aux XVIIIe et XIXe siècles tout en s’adaptant aux conditions locales. Quelques structures et édifices plus récents situés à proximité – tels que quais, réservoirs, usine de traitement du poisson, tour émettrice – viennent atténuer l’harmonie des lieux, mais en même temps ils complètent l’ensemble en établissant un lien de continuité entre l’histoire et les activités plus contemporaines.

Dès la création du Site historique du Banc-de-Paspébiac, un projet de mise en valeur a été mis en branle sous la gouverne du ministère des Affaires culturelles et du Comité pour la sauvegarde  du  banc de  Paspébiac. La  première  phase a consisté à stabiliser les bâtiments non détruits par l’incendie de 1964 et à élaborer un concept d’interprétation qui tiendrait compte du fait que la cohésion fonctionnelle du site avait été brisée avec la disparition de plusieurs édifices et que ceux qui étaient encore debout dataient d’époques différentes. Il était aussi impossible de faire abstraction de la pêche et des activités industrielles qui continuaient de se dérouler dans le port de Paspébiac et sur le banc. Le projet développé a donc cherché à harmoniser l’aménagement paysager et les interventions architecturales en gardant le site ouvert sur les installations contemporaines. Au cours des ans, soit en 1981 puis en 1989, des travaux de restauration ont été exécutés sur certains bâtiments pour permettre leur utilisation aux fins interprétatives. Quant aux activités  d’interprétation elles-mêmes,  elles  ont  été conçues de manière à mettre en valeur le caractère industriel et commercial de l’histoire du banc en insistant tout particulièrement sur la rôle prédominant des compagnies Robin et Le Boutillier dans l’économie de la Gaspésie.

 

Les bâtiments désignés

Les quatre bâtiments désignés par le gouvernement fédéral ont été restaurés  au début  des années  quatre-vingt.  Trois d’entre eux se rattachent davantage  à l’histoire  de  la compagnie Le Boutillier qu’à celle de la Robin et c’est ainsi qu’ils sont présentés au public durant les activités d’interprétation. Érigés à proximité les uns des autres sur l’ancien lot de la Le Boutillier, ils forment un regroupement quasi-autonome par rapport  à  l’ensemble du site actuel. Il s’agit du grand entrepôt qui avait fait l’admiration de Thomas Pye en 1866, d’un office et d’un hangar. Le quatrième édifice, une  poudrière,  a pour sa  part été construit  par la Robin; il se trouve un peu en retrait des autres édifices anciens encore debout, dans un secteur qui a été complètement rasé par le feu.

 

L’entrepôt

Communément appelé le B.B., l’entrepôt  est  le  plus  grand  et  le  plus  remarquable  des édifices du banc de pêche, constituant par le fait même le principal point de repère du site. Construit  vers 1845-1850 par Le Boutillier,  il  mesure  25  mètres  sur  18,4,  compte cinq étages et se distingue tout particulièrement par son  immense toiture de  bardeaux  à  deux versants légèrement retroussés qui contribue à sa monumentalité. Édifice  d’abord et avant tout fonctionnel, il est dépouillé de tout élément  décoratif,  à  l’exception d’un  oeil-de­ boeuf situé au haut de ses façades avant  et  arrière.  Ses  murs  de  bardeaux  de cèdre peints en blanc sont percés d’une vingtaine d’ouvertures en façade avant et arrière.

Leur agencement respecte une certaine symétrie, mais il a été conçu surtout en vue de répondre aux besoins limités d’éclairage, l’édifice ayant servi à entreposer la morue  séchée avant qu’elle ne soit expédiée vers les marchés pour laquelle on la destinait. Vaste et dégagé, l’intérieur laisse voir la structure massive de l’édifice érigé avec de grosses pièces de madrier carré. Le rez-de-chaussée est traversé d’un corridor rectiligne qui autrefois ouvrait directement, du côté de la mer,  sur  un quai de chargement des produits transportés par bateaux et, du côté opposé, sur l’espace central du lot autour duquel étaient regroupés les autres édifices et installations  nécessaires  à  la production. Le lien immédiat direct avec la mer n’existe plus de nos jours, le terrain ayant été remblayé de ce côté et un nouveau quai construit plus au loin. La vue sur l’eau demeure par contre toujours bien dégagée.

Les principales interventions architecturales faites par le ministère des Affaires culturelles en 1981 ont surtout visé la consolidation de la structure et des fondations, le remplacement des fenêtres et du bardeau extérieur et la construction d’une immense rampe d’accès menant à l’étage où se tiennent des activités d’interprétation. Les autres étages ne sont plus maintenant accessibles au public par mesure de sécurité. Vastes espaces libres, ils étaient auparavant remplis de boucaults de morue, de cordage, d’outillage et de différentes  marchandises. Bien que l’édifice se trouve généralement en assez  bon état,  il présente des problèmes  d’humidité et de pourriture au niveau des fondations, des planchers et des encadrements des ouvertures. Plusieurs bardeaux ont besoin d’être remplacés et les surfaces des murs extérieurs devraient être traitées pour mieux résister aux conditions climatiques maritimes. La rampe d’accès qui date des travaux de restauration a aussi besoin d’être refaite en grande partie, plusieurs planches étant pourries.

 

L’office

L’édifice appelé office a une histoire un peu  obscure. Situé  légèrement  en  retrait,  sur  la partie  nord du banc,  il aurait été érigé vers 1870-1880 en vue de servir de bureau et d’habitation au gérant de la Le Boutillier. Ses dimensions modestes de 9,2 mètres sur 6,8 surprennent cependant pour la fonction qu’on lui attribue, l’habitude étant dans les établisse­ments jersiais d’installer le gérant dans un grand  édifice de bois destiné à servir de résidence  et de comptoir commercial. Certains auteurs émettent l’hypothèse qu’il aurait plutôt servi de bureau de douanes après que celui de New Carlisle ait été déménagé  à Paspébiac.  Quoiqu’il en soit, l’office a été transformé avant  la fin du siècle en huilière où l’on fabriquait de l’huile de foie de morue et a été utilisé à cette fin même après son acquisition par la Robin en 1923. Petit carré de pierre crépie, coiffé d’une toiture à deux versants incurvés, il est d’une architecture fort simple qui évoque les petites maisons traditionnelles du début de la colonisa­tion. Sa façade principale est dotée d’une porte décentrée et de deux fenêtres tandis que les autres façades ne sont percées que d’une ouverture chacune. Lorsque les  travaux de restauration ont été entrepris en 1981, l’édifice était en très mauvaise condition. Le toit de bardeaux, la cheminée et le crépi ont été refaits, les portes et fenêtres remplacées et l’intérieur entièrement rénové et réaménagé pour permettre une mise en valeur axée sur la fonction administrative plutôt que sur la production d’huile de foie de morue. L’édifice présente actuellement des problèmes d’humidité et d’infiltration d’eau causant entre autres le pourrissement des combles et des encadrements des ouvertures, l’effritement du mortier des murs est et ouest et potentiellement un affaiblissement de la cheminée.

 

Le hangar

Le hangar est le dernier des édifices du site historique qui soit relié  à  l’histoire de la Le Boutillier. De fait, il s’agirait de l’un des premiers à  avoir été construits par Le Boutillier lorsqu’il a formé sa compagnie en 1838. Érigé en bois  avec un revêtement  de  bardeaux  de  cèdre, il mesure 21,5 mètres sur 12 et compte deux  étages  et  demi,  coiffés d’un toit de bardeaux à deux versants droits  dépourvus  de  larmier. Il était auparavant prolongé par un appentis couvrant toute  la façade arrière,  tel que le révèlent les lithographies de Thomas Pye et plusieurs photographies prises au XXe siècle, expliquant le fait que cette façade soit demeurée aveugle.  La façade principale, orientée vers le B.B., est percée de quatre fenêtres et d’une large porte centrale à deux battants qui facilitaient la circulation. On retrouve également aux étages des murs goutte­reaux des ouvertures à battants qui permettaient de hisser et de descendre des matériaux et marchandises par un système de rails et de poulies.

Les travaux effectués sur l’enveloppe du bâtiment durant la restauration ont été du même ordre que ceux du B.B. et de l’office. Les bardeaux et les fenêtres ont été remplacés, les recouvrements et la cheminée refaits. L’intérieur a été réaménagé et isolé de manière à permettre l’utilisation des lieux même au cours de  l’hiver. Le  rez-de-chaussée, à aires ouvertes, loge maintenant les services administratifs du site ainsi qu’une exposition perma­nente sur la pêche et les compagnies jersiaises en Gaspésie. L’étage sert de salle de réunion tandis que les combles sont utilisés à titre de rangement. Le hangar nécessite présentement certains  travaux d’entetien et de réparation.  On note en effet une infiltration d’eau au niveau de la toiture qui semble être la cause de l’affaissement central de la charpente. Les fonda­tions sont pourries à plusieurs endroits, tout comme les poutres du mur sud et plusieurs encadrements de fenêtres. Des bardeaux ont également besoin d’être remplacés et traités et la cheminée doit être solidifiée.

 

La poudrière

Minuscule carré de maçonnerie à chaînage harpé,  mesurant  4,3  mètres  sur  3,6,  la  poudrière serait le plus ancien bâtiment du  site.  Sa date de construction demeure encore incertaine, la tradition affirmant qu’elle aurait été érigée en 1788 pour entreposer la poudre à canon que Robin jugeait nécessaire d’avoir pour défendre son établissement contre d’éventuels pilleurs. Ses larmiers incurvés, sa porte en forme d’ogive et sa façade en pierre de taille appartiennent touefois davantage au premier quart du XIXe siècle. Elle n’est d’ailleurs mentionnée la première fois que dans des documents de 1819. De fait, on croit qu’elle aurait servi à garder la  poudre à fusil vendue dans les magasins de la compagnie.  L’édifice a été restauré en  1981 (toiture  de  bardeaux  refaite,  maçonnerie,  planchers  et  boiseries  réparés) et demeure fermé au public depuis. Il se trouve actuellement en bon état.

 

Les autres édifices historiques (non désignés)

Les autres bâtiments anciens qui se dressent sur le Site historique du  Banc-de-Paspébiac ont été construits par la compagnie Robin à différents moments de son histoire. Il s’agit du complexe de la forge, de trois cook-rooms, d’une charpenterie, d’un hangar à farine et d’une chambre forte. Les cinq premiers forment avec les bâtiments de la Le  Boutillier (soit  le B.B., l’office et le hangar) ce qu’on peut identifier comme étant le «noyau» du site, les autres bâtiments étant situés plus en retrait.

 

Le complexe de la forge

Ce complexe est constitué d’un seul édifice rectangulaire à deux étages et demi, qui a été agrandi à plusieurs reprises au moyen d’appendices de formes et d’usages variés. Datant probablement du premier quart du XIXe siècle, sa fonction originelle demeure incon­nue mais il est certain qu’il a servi de forge à partir du tournant du XX siècle. Remis en état par la gestion du site en 1989, il abrite aujourd’hui un restaurant, une boutique d’artisa­ nat et une salle de projection.

 

Les trois cook-rooms

Ces bâtiments servaient autrefois d’habitations temporaires pour les pêcheurs et les graviers; à une époque plus récente, ils ont été utilisés comme lieu d’entreposage, puis comme cafétéria pour les travailleurs de l’usine de transformation de poisson. Maintenant rattachés les uns aux autres,  les cook-rooms couvrent en tout une superficie de 32,7 mètres sur 17 et comptent chacun un étage et demi, coiffé d’une toiture de bardeaux à deux versants droits dépourvus de larmier. Deux d’entre eux sont revêtus de bardeaux d’amiante et n’ont jamais été restaurés; l’un sert présentement de remise tandis que l’autre est utilisé pour illus­trer le travail du forgeron sur l’ancien site de pêche. Le troisième, couvert de bardeaux de cèdre, a été restauré en 1989 pour servir de centre d’accueil des visiteurs. Implantés près du complexe de la forge, les cook-rooms ne se trouvent  plus sur  leur emplacement  d’origine; leur déplacement date toutefois de l’époque de la Robin et témoigne du caractère  dynamique et évolutif de ce type d’établissement de pêche, qui se transformait rapidement au gré des besoins commerciaux et industriels des compagnies.

 

La charpenterie

Presque à mi-chemin entre le B.B. et le complexe de la forge,  la charpenterie est un bel édifice en bois, de deux étages et demi, couvert d’une toiture à deux versants aux larmiers élégamment incurvés. Possiblement construite au début du XIXe siècle, elle est prolongée par une annexe qui lui est postérieure. Ses dimensions imposantes révèlent l’impor­ tance des activées liées à la construction navale sur le site de la Robin. L’édifice, qui a été entièrement restauré en 1989, sert d’ailleurs maintenant à l’interprétation de ce thème.

 

 

La chambre-forte et le hangar à farine

En cheminant vers l’extrémité du banc, au-delà de l’usine de transformation du poisson mais bien avant d’arriver à la poudrière, on retrouve une chambre-forte qui représente l’unique vestige de l’ancien magasin général de la Robin, incendié en 1964. Construite en béton et mesurant 3,8 mètres sur 4,5, elle daterait de la fin du XIXe siècle. N’ayant fait l’objet d’aucune restauration, elle est actuellement en mauvais état. Un hangar à farine d’allure fort modeste se dresse à proximité. De forme rectangulaire, mesurant 13 mètres sur 6,8, il est percé sur un mur pignon d’une grande porte à deux battants qui révèle  son usage strictement fonctionnel. Le bâtiment a été restauré lui aussi en 1989 mais  il demeure toujours fermé au public.

 

La demande d’aide dans le cadre du Programme de partage des frais

Les besoins actuels

Le Comité pour la sauvegarde des bâtiments historiques de Paspébiac a présenté une demande dans le cadre du Programme de partage des frais qui couvre l’ensemble des bâtiments du site historique québécois. Générale dans sa formulation, cette demande repose sur un rapport d’inspection visuelle des édifices qui identifie des travaux de restauration et d’entretien sans toutefois en estimer les coûts. L’administration du  site cherche  donc un soutien  financier pour réaliser les travaux suivants : remplacer les bardeaux endommagés de toutes les toitures, protéger les revêtements extérieurs des bâtiments au moyen de produits résistants  aux conditions maritimes, réparer les fondations et les charpentes pourries, résoudre les problèmes d’humidité et d’infiltration d’eau que l’on note à divers endroits, remplacer les encadrements pourris des ouvertures qui le requièrent et entreprendre la restauration des deux  cook-rooms non restaurés.

Si on analyse en détails les besoins exprimés, on constate que ce  programme  inclut des travaux plus spécifiques pour seulement trois des quatre édifices désignés en 1973,  soit  le B.B., le hangar et l’office. On voudrait ainsi procéder à une vérification complète des fonda­tions du B.B., solidifier ou remplacer les poutres de soutènement qui sont endommagées, consolider les planchers des étages dont la fragilité actuelle limite leur  utilisation,  remplacer les encadrements de plusieurs ouvertures,  réparer les bardeaux brisés et, surtout,  reconstruire la rampe d’accès qui se trouve dans un état lamentable. Les interventions sur l’office vise­raient surtout à régler les problèmes d’infiltration d’eau qui affaiblissent les murs est et ouest tandis que celles sur le hangar porteraient en grande partie sur le dégagement des fondations, la restauration ou le remplacement des poutres du mur sud et la solidification de la charpente affectée par l’eau et l’humidité.

Lors d’une conversation téléphonique tenue le 30 juillet 1998, la directrice du  site a affirmé que les services d’un évaluateur devraient être retenus au début de l’automne 1998 pour déterminer plus précisément les besoins et les coûts  d’intervention, à la fois sur  les édifices qui ont été désignés par le gouvernement fédéral et sur les autres qui font partie du site historique québécois. Elle a aussi précisé avoir obtenu une somme de 28 000$ de la part du ministère de la Culture et des Communications du Québec à titre de montant de  base  pour créer un fonds spécial destiné à financer les travaux d’entretien et de restauration des bâtiments du site.

 

Le programme de partage des frais

Selon les critères établis dans le cadre de ce programme, les structures et les édifices qui sont d’importance historique nationale peuvent obtenir une aide financière lorsqu’ils sont excep­tionnels, rares ou en danger. Ici, dans le cas des installations de pêche du banc de Paspébiac,  les quatre bâtiments désignés en 1973 figurent  parmi les quelques ressources culturelles encore existantes qui témoignent remarquablement de la longue influence des compagnies Robin et Le Boutillier dans l’histoire de la Gaspésie. Restaurés avec respect dans les années quatre-vingt, ils se trouvent présentement dans une condition stable, mais ils nécessitent une intervention à plus ou moins long terme pour mieux les protéger contre les effets néfastes du climat maritime.

Les autres ressources comprises dans le site historique québécois possèdent, quant à elles, une valeur contextuelle certaine pour comprendre le rôle et l’importance des bâtiments désignés.

Quatre de ces ressources ont été restaurées en 1989 (le complexe de la forge,  la charpenterie,  un cook-room et le hangar à farine) mais elles requièrent maintenant des interventions contre les intempéries, semblables à celles déjà décrites. Quant aux trois autres, à savoir deux cook­ rooms et la chambre-forte, elles devraient être restaurées au cours des années à  venir  pour éviter de se dégrader davantage et pour conserver leur valeur  évocative. L’importance historique nationale de ces ressources n’a cependant encore jamais été examinée par  les membres de la Commission des lieux et monuments historiques duCanada. Si la Commis­sion le jugeait opportun, il faudrait dès lors entreprendre de nouvelles  études qui permet­traient d’évaluer cette importance en comparant ces ressources à d’autres ensembles représen­tatifs de la pêche en Gaspésie.

Il revient donc à la Commission de déterminer les priorités en regard de ces études en tenant compte des activités d’interprétation déjà en place à Grande-Grave et en considérant qu’elle a déjà reconnu l’importance historique nationale des activités de pêche à plusieurs endroits dans l’Est du Canada, tels qu’à Battle Harbour, Ryan Premises et Lunenburg.

 

Conclusion

Le banc de Paspébiac comprend un ensemble peu commun de bâtiments qui témoignent de la lente évolution qu’a connue l’industrie de la pêche en Gaspésie à partir de la fin du XVIIIe siècle sous le contrôle des compagnies jersiaises. C’est en effet à cet endroit que se sont établies deux des plus importantes d’entre elles, les compagnies  Robin et Le Boutillier, qui y ont érigé tous les édifices et les infrastructures nécessaires à la conduite de leurs gigantesques entreprises de commerce de la morue séchée. En 1964, donc après  deux siècles  d’exploita­tion, on retrouvait encore sur le banc près de 70 bâtiments leur ayant appartenu. Malheureu­sement, cette année-là, un incendie a ravagé la plus grande partie du site, n’épargnant que dix bâtiments et la chambre-forte d’un magasin général. En 1973, le gouvernement fédéral a été invité à recommander que quatre de ces rescapés soient déclarés d’importance historique nationale : le grand entrepôt B.B., l’office, le hangar et la poudrière, les trois premiers étant étroitement associés à la compagnie Le Boutillier  et le dernier à la Robin. Constatant  en 1988 que le gouvernement du Québec était intervenu sur les lieux à partir de 1981 et avait créé un site historique englobant tous les bâtiments anciens du banc de Paspébiac, la Commis­sion a dès lors invité le Programme à limiter son intervention à l’installation d’une plaque commémorative et à mettre en valeur les installations de pêche encore présentes à Grande­ Grave, dans les limites du parc national Forillon.

C’est donc dans ce contexte très spécifique que doit être évaluée la présente demande d’aide financière présentée par le Comité pour la sauvegarde des bâtiments historiques de Paspébiac dans le cadre du Programme de partage des frais. Cette demande comprend deux volets. D’une part, elle concerne trois des quatre bâtiments désignés en 1973,  soit le B.B.,  l’office et le hangar. Ces bâtiments ont été restaurés en 1981 par le gouvernement du Québec qui a agi en respectant leurs caractéristiques architecturales initiales; de nos jours, toutefois, ces ressources d’importance historique nationale nécessitent des travaux de réparation et de consolidation ainsi qu’une meilleure protection contre le climat maritime, bien qu’elles ne se trouvent pas en situation de danger immédiat. La demande  vise également  à obtenir  un soutien financier pour intervenir sur d’autres bâtiments, requérant ainsi des études plus approfondies pour évaluer l’importance du lieu en regard des autres ensembles liés à l’industrie de la pêche en Gaspésie.

 

Source

Jocelyne Cossette. Installations de pêche du banc de Paspébiac Gaspésie, Québec. Parcs Canada, 1998. p. 305-343.