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À l'intérieur de la Charpenterie, portes et quincailleries d'origine datant des années 1850-1860. Photo: Jeannot Bourdages. Site historique national de Paspébiac.
À l'intérieur de la Charpenterie, portes et quincailleries d'origine datant des années 1850-1860. Photo: Jeannot Bourdages. Site historique national de Paspébiac.
Étude des portes et quincailleries
14 décembre 2022

Historique des interventions
Au cours de leur histoire, les bâtiments du Site historique national de Paspébiac ont grandement évolué. Pour la plupart, ils ont été construits au 19e siècle, à l’apogée des compagnies Robin et LeBoutillier Brothers. Il s’agit essentiellement d’entrepôts de marchandises (morue séchée, matériaux de construction, produits importés), de logement («cook-rooms»), d’ateliers de construction navale et de bureaux administratifs.

Après la crise de l’année 1886, ces deux compagnies entrent dans une période de déclin. Pour sa part, la LeBoutillier Brothers cesse ses opérations en 1923. De son côté, la compagnie Robin tente de s’adapter mais délaisse définitivement le secteur de la pêche à la morue. Plusieurs bâtiments sont ainsi abandonnés et finissent par disparaître, notamment lors du grand feu de 1964.

Parmi les 11 restants, certains se voient dotés de nouvelles fonctions au cours du 20e siècle. Par exemple, l’Entrepôt LeBoutillier est dorénavant utilisé pour l’entreposage du charbon. À l’avant, une grande rampe est ajoutée pour le transport par camion. De plus, les anciennes portes de chargement sont condamnées. De leur côté, l’Accueil et la Tonnellerie sont transformés en cafétéria pour les travailleurs de l’usine de transformation.

À la suite de l’intervention d’un comité de citoyens, les bâtiments subissent leurs premiers travaux de restauration en 1980-1983. D’autres grands travaux de restauration sont effectués en 1988-1989 et 2003-2006. Visant d’abord à redonner aux bâtiments certaines de leurs caractéristiques d’origine, ces travaux ont aussi permis l’aménagement du restaurant L’Ancre, de la salle de spectacle et des bureaux de l’administration.

Encore aujourd’hui, les bâtiments du Site historique national de Paspébiac portent les traces de ces différentes interventions. Avant d’intervenir à nouveau, il nous apparaît aujourd’hui fondamental de pouvoir tracer l’historique des différents éléments architecturaux: lequels sont d’origine, quand ont-ils été restaurés, comment, par qui et selon quelle approche de conservation? Ce travail de documentation a été amorcé avec la publication, depuis trois ans, d’études sur l’histoire et l’architecture de chacun des onze bâtiments classés. Une analyse similaire a également publiée sur la protection côtière située à proximité de l’Entrepôt LeBoutillier.

Sources
Dans le cadre de la préparation des plans et devis de restauration, nous avons relancé les recherches afin de pouvoir déterminer avec davantage d’exactitude l’authenticité des différents éléments composant les portes: structures en bois, bien sûr, mais également les poignées, serrures, système de barrure, etc. Si certains questionnements demeurent, la documentation recueillie constitue une base historique solide pour la prise de décision. Elle nous permet ainsi d’identifier certains modèles originaux, de les utiliser comme prototypes et, au besoin, de s’en servir pour effectuer des reconstitutions.

Heureusement, en raison de son importance, le Site historique national de Paspébiac peut compter sur une collection de photographies d’archives parmi les plus importantes dans l’univers des pêches. Pour l’analyse des portes, les séries réalisées par Lady McKie (1952) et Pierre Rastoul (1977) sont particulièrement utiles pour l’observation des détails de construction.

Au plan de la restauration, la firme Boudreau, Fortier et Associés nous a laissé une abondante quantité de plans, devis et cahiers d’entretien. Souvent, au moment de réaliser des reconstitutions, des relevés des éléments originaux ont été effectués. Malheureusement, la documentation s’avère jusqu’à présent beaucoup plus parcellaire pour les travaux réalisés par les architectes Jean-Luc Heyvang (1980-1983) et Émile Gilbert (1988-1989).

Les archives du Site historique national de Paspébiac contiennent également une quantité assez importante de photographies des différents chantiers de restauration. La comparaison à différents moments dans l’histoire permet ainsi de déterminer assez précisément l’authenticité des éléments architecturaux.

Ailleurs à Paspébiac, il est important de noter que la ferme Robin constitue aussi une source d’information extrêmement importante. Ayant subit peu de transformations depuis le 19e siècle, elle renferme beaucoup d’éléments architecturaux d’origine, comme les portes et fenêtres, la peinture, le bardeau de cèdre, etc. Finalement, plusieurs photographies anciennes permettent également de trouver des modèles intéressants, utilisés sur d’autres bâtiments des compagnies Robin et LeBoutillier Brothers, que ce soit en Gaspésie ou ailleurs dans le golfe du Saint-Laurent.

Portes
ll faut garder à l’esprit que les bâtiments ont d’abord été conçus pour une occupation saisonnière. Après la fin de la saison de pêche, ceux-ci étaient le plus souvent abandonnés durant la saison hivernale. De plus, le climat maritime (forts vents, précipitations abondantes, etc.) contribue à une détérioration plus rapide du bois. Aussi, à partir du moment où les compagnies amorcent leur déclin (1886), l’entretien des bâtiments est de plus en plus négligé… Il ne faut donc pas se surprendre si, après plus de 150-200 ans, la grande majorité des éléments extérieurs en bois aient dû être remplacés.

L’annexe de la Charpenterie
Construite vers 1850, la Charpenterie a été agrandie par l’ajout d’une annexe latérale en 1866. Cet ajout a permis de protéger des intempéries les éléments architecturaux: la porte double et ses quincailleries (cadre, pentures, gonds, poignées, trous de serrure, système de barrure, etc.), une fenêtre de l’étage, le bardeau fendu du mur, etc.

Reconstitutions
Dans tous les autres cas, en raison de leur détérioration, les portes extérieures ont dû être remplacées par des reconstitutions. Si la majorité des anciennes portes ont été jetées lors des travaux, huit modèles d’origine, datant vraisemblablement du 19e siècle, sont cependant toujours disponibles pour la Charpenterie, l’Office et la Poudrière. D’autres modèles sont également toujours en place sur les bâtiments de la ferme Robin.

Nouvelles portes
Plusieurs nouvelles portes extérieures ont dû être créées de toutes pièces pour l’aménagement du restaurant, de la salle de spectacle et des bureaux. À ce moment, les architectes ont souvent tenté des reproductions plus ou moins inspirées des modèles traditionnels. De plus, malgré le caractère patrimonial des bâtiments, ils ont dû se soumettre aux normes de construction en vigueur: issues de secours, portes coupe-feu, affichage en cas d’urgence, etc. En ce sens, beaucoup d’éléments contemporains sont venus s’ajouter. À long terme, nous souhaitons actuellement regrouper les services dans un nouveau pavillon d’accueil. Ainsi, lorsque cela est possible, nous souhaitons profiter de l’actuel exercice de restauration pour éliminer le plus grand nombre de ces éléments contemporains.

Structures d’anciennes portes
Encore aujourd’hui, il subsiste des traces d’anciennes portes dans l’enveloppe des bâtiments, notamment dans l’Entrepôt et le Hangar LeBoutillier. Pour l’instant, conformément à une approche d’intervention minimale, nous souhaitons simplement documenter leur existence, sans nécessairement effectuer de nouvelles reconstitutions.

Quincailleries
Grâce aux photographies, nous avons pu retrouver le modèle le plus courant de pentures utilisées au Site historique national de Paspébiac. Ce modèle, avec un renflement à bout arrondi, est présent sur la porte double à l’intérieur de l’annexe de la Charpenterie.

Toujours en nous basant sur les photographies historiques, nous pouvons affirmer que c’était le modèle le plus couramment utilisé au 19e siècle sur les bâtiments de Paspébiac. Des exemplaires semblables sont aussi présents sur les trois différentes portes de la Forge. Sur ce modèle, les gonds sont formés de pièces triangulaires, venant s’insérer à l’intérieur des poteaux de bois. Nous avons d’ailleurs trouvé des gonds similaires dans un ouvrage consacré à l’histoire de la ferronnerie traditionnelle.*

Il est à noter que, à l’époque, deux ou trois pentures pouvaient être utilisées pour soutenir chacun des vantaux.

Divers modèles de pentures
Sans toujours pouvoir les dater, l’analyse des photographies nous permet de trouver d’autres modèles originaux de pentures sur le Hangar LeBoutillier, la Tonnellerie et la Poudrière. Fait plus rare, un modèle vissé est aussi présent sur le Hangar à farine. À notre avis, il s’agit d’un modèle plus récent, utilisé par la compagnie Robin au 20e siècle.

Dans la majorité des cas, nous préconisons la conservation des modèles existants. Seul le Complexe La Forge nous laisse davantage perplexe… Dans ce cas, le modèle semble inspiré d’une porte réfrigérée, qui est très récent dans l’histoire du bâtiment (ca 1950-1970). Si jamais il fallait les remplacer, nous recommandons plutôt de refaire le modèle historique le plus courant.

Autres quincailleries
Parmi les autres types de quincailleries, seules deux barrures et une poignée de l’Office semblent d’origine. Dans plusieurs cas, le système de barrure utilisé est cependant une reproduction d’un modèle historique, d’ailleurs toujours présent sur l’un des bâtiments de la ferme Robin.
 

Pour consulter l’étude complète en format PDF