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Historique du Hangar à farine
Le Hangar à farine. Photo: Jeannot Bourdages, Site historique national de Paspébiac.
Historique du Hangar à farine
14 février 2022

Le bâtiment a été construit vers 1815, ce qui le place parmi les bâtiments les plus anciens du Banc. À l’origine, il s’agit d’un hangar servant à l’entreposage du sel de la compagnie Robin. 

Le sel est utilisé pour la conservation des aliments depuis fort longtemps. Il est absolument essentiel à la production de la morue séchée. Depuis le régime français, de grandes quantités doivent ainsi être rapportées d’Europe par les compagnies de pêche. Sur le banc de Paspébiac, ce n’est donc pas un hasard si le bâtiment est situé à proximité de la zone de transformation. 

À l’est, sur le rivage, se trouve d’abord le “chafaud” (“stage” en anglais) servant au tranchage de la morue. Juste à côté, un vaste espace est utilisé pour sécher la morue, soit directement sur des galets (“gravel”), soit sur des vigneaux (“flakes”). Tout près, se trouvent les logements des employés affectés à la transformation (“cook-room”) ainsi que la maison du gérant (“office”). Finalement, à l’ouest, se trouvent les entrepôts de morue séchée et le quai. 

Vers 1819, le bâtiment subit certaines modifications. Du côté est, la construction d’une rallonge permet de l’intégrer dans un ensemble de trois bâtiments. De plus, à partir de 1870, il est dorénavant désigné en tant qu’entrepôt à mélasse. 

Importée des Antilles, la mélasse est un produit couramment vendu dans les magasins des compagnies de pêche. C’est une source de sucre importante dans l’alimentation traditionnelle. On en fait des pâtisseries, des sucreries ou on la mange simplement avec du pain. 

James Keays, un ancien gérant de la compagnie Robin, raconte la frénésie entourant l’arrivée du produit: “Je me souviens de l’arrivée d’une tonne (84 gallons) de mélasse en provenance de la Barbade. Nous en avions fait l’annonce la veille et, le lendemain matin, les clients commencèrent à arriver, chacun avec leur chaudière. Il fallut alors mettre la tonne debout, arracher le bouchon, installer la pompe et commencer à pomper. À midi, elle était vide.” 

La mélasse est étroitement liée au commerce international de la morue. Aux Antilles, la morue séchée de qualité inférieure est vendue comme nourriture pour les esclaves des plantations de canne à sucre. Une fois vidés de leur cargaison de poisson, les navires de la compagnie Robin sont chargés de mélasse et de rhum. Ces produits peuvent ensuite être revendus, en gros, à d’autres marchands ou, au détail, dans les magasins Robin. 

Au début du 20e siècle, une première photographie permet d’observer la présence d’un clocheton. À l’époque, la cloche sert de moyen de communication avec les travailleurs. Elle indique le début et la fin de la journée, l’heure des pauses, du dîner, etc. 

Vers 1930, les ouvertures de la façade du côté de la mer sont supprimées. Des clôtures viennent également bloquer le passage entre les bâtiments. Bref, on restreint l’accès à la zone utilisée autrefois pour le séchage du poisson. 

Ces interventions sont possiblement liées à une diminution des activités traditionnelles de transformation. À l’époque, des changements importants s’amorcent dans le secteur des pêches: naissance des coopératives, émergence de nouvelles techniques, développement de nouveaux produits… En 1954, la compagnie Robin lance d’ailleurs sa propre usine moderne de transformation. 

En 1964, c’est un incendie majeur qui met définitivement fin aux activités de la compagnie Robin sur le Banc. Tous les bâtiments adjacents sont rasés par les flammes. Une grande partie du cœur historique de la compagnie disparaît alors… C’est pratiquement un miracle que l’ancien hangar à sel soit épargné. 

Depuis les années 1980, le bâtiment a toujours été désigné comme  “Hangar à farine”. Cette appellation est liée à une confusion quant à son emplacement exact sur le plan de 1870. Il a été confondu avec un bâtiment plus grand, situé plus à l’ouest, utilisé pour l’entreposage de la farine et des provisions. 

L’étude attentive des photographies, des dimensions, des détails architecturaux et des plans nous amènent à conclure qu’il s’agit bel et bien du hangar ayant servi à entreposer le sel en 1815-1820. Dans leurs études respectives, les firmes Bergeron Gagnon et Innovation Amerik arrivent d’ailleurs à la même conclusion. 

 

Chronologie

[vers 1815] : Construction du hangar à sel. 

[vers 1819] : Le nouveau et l’ancien hangar à sel sont réunis par un troisième bâtiment appelé “hangar 32”.

[vers 1930] : Fermeture des ouvertures de la façade sud et démantèlement du clocheton.

[vers 1940] : Trottoir et fondation en béton.

1964 : Incendie ayant détruit 18 bâtiments appartenant à la compagnie Robin.

1981 : Ajout d’une entrée électrique.

1989 : Travaux de restauration (GID et Émile Gilbert, architecte).

2005 : Travaux de restauration (Boudreau Fortier et associés).

 

Références

Boudreau Fortier et associés/Bergeron Gagnon. Site historique du Banc-de-pêche-de-Paspébiac: Rapport d’intégrité. Québec, Boudreau Fortier et associés, 2003. 91 pages.

Marc Thériault. Rapport d’expertise: Évaluation de la structure du Complexe La Forge.  Amqui, Innovation Amerik, 2019. 9 pages.  

Jules Bélanger, “James Keays, une carrière dans les magasins Robin”, Magazine Gaspésie, Hiver 2011, no. 170, vol. 47 (3), p. 52-56. 

“Perte de $ 1,500,00: usine de poisson brûlée”, Gaspé Peninsula – Voyageur de la Gaspésie, 21 juin 1964, p. 1. 

 

Document-synthèse

2021-05-14 Hangar à farine – Histoire, architecture et iconographie