Le bâtiment appelé apparaît clairement dans la gravure de Thomas Pye réalisée en 1866. On y aperçoit le corps principal, son premier appentis ainsi qu’un espace vacant à l’arrière, servant possiblement de cour à bois.
Sur le plan de 1870, le bâtiment est justement désigné comme un hangar à bois. Situé en bordure du chantier naval, il serait logique que l’on entrepose les matériaux à proximité, que l’on utilise les grandes portes arrière pour les faire entrer, pour ensuite les transporter dans la zone du chantier naval.
L’année 1870 semble avoir été une période charnière dans l’évolution du Banc de Paspébiac. Entre la gravure de 1866 et le plan de 1870, on note plusieurs différences dans l’aménagement. L’élément le plus important est, sans conteste, la construction du grand entrepôt appelé « CRC” et du quai de la compagnie Robin. Pour sa part, le hangar à bois est déplacé vers le nord, en bordure de l’intérieur du barachois.
À l’heure actuelle, nous avons peu de documentation sur la façon dont le bois est apporté sur le Banc de Paspébiac. À l’intérieur du barachois, près de la pointe, une espace est cependant aménagé pour l’entreposage du bois flotté. Il est donc possible que le bois ait été coupé en forêt, dravé sur les rivières environnantes, pour être ensuite transporté sur la baie des Chaleurs jusqu’à Paspébiac. Nous savons également que du bois était importé par bateau de Caraquet.
Cette fonction d’entreposage du bois de construction apparaît la plus marquante dans l’histoire du bâtiment. Elle est d’une grande importance, sachant que le chantier naval Robin est alors l’un des plus importants dans l’Est du Canada.
Il est probable que le bâtiment ait été construit avant les années 1840. En comparant les dimensions, il pourrait bien s’agir du bâtiment désigné en tant que « Middle Timber Shed and Boat House” sur le plan de 1845. À ce moment, il aurait ainsi été dépourvu de son petit appentis, en plus de servir à l’entreposage des navires. Cela pourrait d’ailleurs expliquer sa longueur, soit près de 25 mètres de long. Si c’est bien le cas, il aurait ainsi été déplacé, non pas une, mais deux fois avant d’arriver sur son site actuel.
Pour sa part, Jocelyne Cossette de Parcs Canada estime sa date de construction au premier quart du 20e siècle. Le bâtiment ne semble toutefois pas posséder les éléments de structure des toits plus anciens du Site historique. En ce sens, nous aurions plutôt tendance à estimer sa date de construction aux années 1840. Les auteurs du rapport d’intégrité de 2003 l’associent également davantage au milieu du 19e siècle.
Dans les années qui suivent, il est toujours désigné en tant qu’entrepôt de bois (1884). Au début du 20e siècle, certaines images révèlent également la présence de piles de bois à proximité. Il faut attendre le milieu du 20e siècle pour constater un changement de vocation.
Selon la tradition orale, le bâtiment aurait été utilisé comme forge par la compagnie Robin. Cela pourrait d’ailleurs expliquer l’ajout d’une haute cheminée de brique au centre du bâtiment. Vers 1950, un petit bâtiment, non identifié, est également ajouté du côté est.
Selon les informations recueillies par le Comité de sauvegarde, le bâtiment aurait également servi à d’autres fonctions: “remisage de boîtes de carton, entreposage du poisson, etc.” En examinant des photographies d’archives, nous remarquons d’ailleurs qu’il semble avoir été doté d’une section réfrigérée, vue la forte épaisseur des portes.
En 1988-1989, le bâtiment est complètement réaménagé pour y installer une salle de spectacle, des toilettes ainsi que des loges. Le restaurant L’Ancre, auparavant situé dans l’Entrepôt LeBoutillier, est pour sa part déménagé à l’intérieur du petit bâtiment annexe. Dans le cadre du programme d’intégration des arts, une oeuvre de l’artiste Enid Legros-Wise est aussi installée à l’intérieur de la salle Thérèse-Allard. Lors de l’inauguration officielle, le bâtiment est baptisé du nom de “Complexe La Forge”.
L’utilisation du bâtiment en tant que forge est assez récente dans son histoire. Il faut également noter qu’un autre bâtiment du Site est aussi appelé la “forge”, ce qui n’est pas sans créer une certaine confusion. C’est pourquoi, en 2024, nous avons choisi de renommer le bâtiment selon sa fonction d’origine, soit l’Entrepôt à bois Charles Robin and Co.
Chronologie
[ca 1840] : Date estimée de construction du corps principal.
[ca 1870] : Déplacement du bâtiment vers le nord, en bordure de la route, sur son site actuel.
[ca 1950] : Ajout d’un nouvel appentis, de la grande cheminée ainsi que d’un autre petit bâtiment
1988 : Travaux de restauration GID Design (Émile Gilbert, architecte).
1989 : Inauguration officielle du Complexe La Forge.
2003 : Surveillance archéologique lors d’excavations pour l’installation de fils d’électricité, téléphone et alarme.
2005-2006 : Expertise archéologique lors des travaux d’enfouissement des réseaux câblés de distribution.
2006 : Travaux de restauration (Boudreau, Fortier et Associés).
2009 : Démantèlement de la cheminée du restaurant. Remplacement par une hotte pour la cuisine.
2024-2025: Travaux de restauration Phase 1 (Atelier Balsa): reconstitution de certaines portes selon les modèles d’origine.
Références
Jocelyne Cossette. Installations de pêche du banc de Paspébiac Gaspésie, Québec. Parcs Canada, 1998. p. 305-343.
Boudreau Fortier et associés/Bergeron Gagnon. Site historique du Banc-de-pêche-de-Paspébiac: Rapport d’intégrité. Québec, Boudreau Fortier et associés, 2003. 91 pages.
Marc Thériault. Rapport d’expertise: Évaluation de la structure du Complexe La Forge. Amqui, Innovation Amerik, 2019. 9 pages.
Comité pour la sauvegarde des bâtiments historiques. Le dossier d’utilisation des bâtiments historiques de Paspébiac. Québec, Comité pour la sauvegarde des bâtiments historiques, 1980. 96 pages.
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