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Historique de l'Accueil
Kevin Vandooren, 2020.
Historique de l’Accueil
14 février 2022

Le bâtiment servant aujourd’hui d’accueil possède une charpente de toit d’un modèle plus ancien, à planches verticales avec pannes. Selon la firme Bergeron Gagnon, il aurait ainsi été construit dans la première moitié du 19e siècle.

L’analyse des plans révèle que le bâtiment n’est pas situé sur son emplacement d’origine. En 1866, il n’est pas représenté sur la gravure de Thomas Pye. Des indices permettent toutefois d’émettre des hypothèses sur sa localisation. Tout d’abord, ses dimensions s’avèrent très proches de celles du pressoir à morue de la compagnie Robin (« press »). De plus, les « pas-de-visse » présents dans certaines poutres pourraient bien être liés à l’utilisation des pressoirs. 

Tout comme Bergeron Gagnon, l’ingénieur Marc Thériault pense aussi que le bâtiment a autrefois servi de pressoir à morue. Il ajoute que, d’un point de vue structural, les poutres sont trop grandes pour un bâtiment ordinaire. Mesurant près de 12 par 12 pouces, elles auraient été conçues pour supporter de lourdes charges: par exemple, des tonneaux remplis de morue séchée. 

Dans nos recherches, nous avons trouvé au Musée de la Gaspésie une photographie représentant l’intérieur d’un bâtiment servant au pressage. Sur cette image, il est effectivement possible de voir des « pas-de-visses” permettant de laisser passer la tige filetée du pressoir à l’intérieur du plafond. 

Il est à noter que l’Entrepôt LeBoutillier, qui servait à la fois pour le pressage et l’entreposage de la morue, possède également de tels pas-de-visses. Il apparaît ainsi fort vraisemblable que le bâtiment d’accueil ait servi de salle de pressage, au rez-de-chaussée, et d’entrepôt, à l’étage. 

Au plan de l’entreposage, le bâtiment apparaît petit en regard des besoins de la compagnie Robin. Avant les années 1870, la compagnie possède toutefois d’autres bâtiments lui permettant d’entreposer sa production. Tout près, des bâtiments sont désignés par des noms quelque peu mystérieux: Habnab, 85, Reaper… Il s’agit en fait des noms de certains navires de la compagnie. Nous pensons que les marchandises destinées à l’exportation étaient préalablement regroupées selon le navire utilisé. Ainsi, lorsque le navire arrivait au quai, il était simple et rapide de procéder au transbordement des marchandises.

Entre 1866 et 1870, la compagnie Robin entreprend d’augmenter sa capacité d’entreposage. Elle suit alors l’exemple de la LeBoutillier Brothers, qui possède déjà son grand entrepôt depuis une dizaine d’années. Ces grands entrepôts offrent plusieurs autres avantages: centralisation des opérations, intégration d’un quai et point de vue élevé permettant d’observer l’arrivée des navires. 

Le plan de 1870 montre clairement la présence du grand entrepôt appelé CRC, et ce, à l’endroit même où était situé l’ancien pressoir! De plus, un nouveau bâtiment apparaît justement sur le site actuel du  bâtiment d’accueil. Il serait surprenant qu’il s’agisse d’une simple coïncidence. À la suite de son déplacement, le bâtiment change de vocation pour devenir un atelier de charpenterie. Par sa position, il est intégré au chantier naval de la compagnie Robin.

Au 20e siècle, les témoignages d’anciens travailleurs indiquent que le bâtiment est transformé en “cook-room” par la compagnie Robin. Il subit alors des modifications: ajout d’une cheminée et d’un poêle, raccordement à l’électricité et annexion aux deux bâtiments adjacents. 

Selon Ernest Moulin, l’endroit est disponible pour les travailleurs qui souhaitent y manger leur lunch. Un cuisinier est également présent pour cuire des pièces de viande ou préparer la soupe.  Léonard Lebrasseur indique aussi que les travailleurs “qui restaient trois milles en arrière de Paspébiac” pouvaient dormir sur place. À l’étage, il subsiste d’ailleurs une petite pièce ayant pu servir de chambre fermée.

À l’extérieur, les murs sont recouverts de bardeau d’amiante blanc, alors que les découpes sont peintes en vert. Au 20e siècle, le vert semble devenir la nouvelle couleur représentant la compagnie Robin. Il est possible que ce changement découle de la fusion avec A. G. Jones et A. H. Whitman. 

À partir de 1906,  les nouveaux magasins généraux de l’entreprise arborent le vert et le jaune. Vers 1960, nous remarquons aussi la présence de bâtiments vert et blanc, notamment sur la ferme Robin. 

Dans les années 1970-1980, le bâtiment est finalement utilisé comme cafétéria par les travailleurs de l’usine de transformation. 

En 1989, les travaux de restauration ont permis d’éliminer plusieurs des ajouts réalisés au 20e siècle. Le rapport de Bergeron Gagnon souligne d’ailleurs l’intégrité remarquable du bâtiment. 

 

Chronologie

[avant 1815] : Construction du pressoir à morue (“press”). 

[entre 1866 et 1870] : Probable déménagement et changement de fonction: atelier des charpentiers (“Carpenters Shop”). 

1900 : Ouverture non identifiée dans le toit.

[vers 1920] : Ajout d’une cheminée. 

[vers 1940] : Construction d’un corridor reliant l’accueil et la tonnellerie.

[vers 1952] : Recouvrement de la toiture en tôle. 

[vers 1960] : Ajout du petit appentis du côté ouest.

[vers 1970] : Recouvrement des murs en bardeau d’amiante et changement de couleur (vert et blanc). 

1982 : Fouilles archéologiques, découverte d’une latrine à proximité. 

1989 : Travaux de restauration (GID Design et Émile Gilbert, architecte).

2005 : Travaux de restauration (Boudreau, Fortier et Associés).

 

Références

Bergeron Gagnon. Site historique du Banc-de-pêche-de-Paspébiac: Rapport d’intégrité. Québec, Boudreau Fortier et associés, 2003. 91 pages. 

Marc Thériault. Rapport d’expertise: Évaluation de la structure du Complexe La Forge.  Amqui, Innovation Amerik, 2019. 9 pages. 

Comité pour la sauvegarde des bâtiments historiques. Le dossier d’utilisation des bâtiments historiques de Paspébiac. Québec, 1980. 96 pages.

Transcription des entrevues avec Ernest Moulin et Léonard Lebrasseur.

 

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