En 1815, l’espace où est situé la tonnellerie demeure vacant. En 1819, on y retrouve cependant un nouveau bâtiment utilisé comme logement et entrepôt. Fait important, ce bâtiment possède plusieurs subdivisions à l’intérieur, représentées par des lignes pleines et pointillées.
Outre sa localisation, la présence de ces subdivisions appuie l’hypothèse qu’il s’agit bien de l’actuelle tonnellerie. Contrairement à beaucoup d’autres bâtiments du Banc, on y trouve les traces de plusieurs anciennes cloisons. Leur disposition est d’ailleurs très proche de celle du plan de 1819. Cette subdivision intérieure vient également expliquer certains détails architecturaux: porte décentrée de la façade, seconde porte d’accès séparée sur le côté, escalier avec palier adapté à un espace restreint, etc.
À l’étage, deux petites portes extérieures permettent aussi de faire entrer des marchandises séparément dans chacune des sections. Habituellement, on utilise plus souvent une seule grande porte double de chargement, et ce, placée bien au centre de la façade. Finalement, la présence de trappes de chargement à l’intérieur vient valider son utilisation comme entrepôt. L’Entrepôt LeBoutillier et le Hangar LeBoutillier possèdent également des systèmes semblables.
Dans chacune des subdivisions, les différentes fonctions sont bien identifiées. Le bâtiment sert d’abord au rangement d’équipements des navires (« Boat House » et « Ships Store »). Il sert aussi de logement (« House ») ainsi qu’au rangement du brai (« Pitch Store »), un produit utilisé pour étanchéifier la coque des navires.
En 1845, le bâtiment change de vocation. Il s’agit alors du bureau des charpentier de marine et d’un entrepôt («E. Shipwright’s Office and Store»). Il est à noter que, sur les différents plans, les termes « shed » et « store » sont utilisés sans distinction pour désigner des entrepôts.
En 1870, le bâtiment est légèrement déplacé pour permettre le réaménagement de l’espace, à la suite de la construction du grand entrepôt CRC. C’est à ce moment que son voisin, l’actuel bâtiment d’accueil, est déménagé du côté ouest. Des latrines et la boîte à vapeur servant à courber les pièces de bois (« 24. Steambox ») sont situées à proximité. À ce moment, le bâtiment change à nouveau de fonction. Il devient un atelier de fabrication de peinture, cordages et poulies (« 25. Paint, Rope and Block Shop”). Fait intéressant, une affiche est installée au-dessus de la porte pour l’identifier en tant que « Block Shop ». Celle-ci sera d’ailleurs toujours visible sur le bâtiment jusqu’au années 1950.
Malgré ces changements, le bâtiment fait toujours partie du chantier naval. La peinture, les poulies et les cordages sont fabriqués de manière artisanale pour équiper les navires. N’oublions pas qu’il s’agit alors d’un des plus grand chantier naval de l’Est du Canada. La compagnie Robin emploi ainsi de nombreux artisans: charpentiers, voiliers, tonneliers, cordiers, etc. Ces mêmes travailleurs peuvent également être employés pour construire ou réparer les bâtiments eux-mêmes.
De manière globale, plusieurs des bâtiments Robin ayant survécu à l’incendie de 1964 étaient situés dans le secteur du chantier naval. C’est le cas du Complexe La Forge (29. Hangar à bois), de l’Accueil (27. Atelier de charpenterie) et de la Charpenterie (30. Atelier de menuiserie et gabarits).
Ce n’est qu’au 20e siècle que le bâtiment est transformé en « cook-room », pour loger et nourrir des employés de la compagnie. Il s’agit d’une nouveauté car, au 19e siècle, les logements des travailleurs saisonniers étaient plutôt situés sur le terrain sud-est. En ce sens, il s’agit donc d’une fonction relativement récente dans l’histoire.
À partir de 2003, le bâtiment a été restauré et aménagé pour l’interprétation du métier de tonnelier. S’il s’agit d’un bel exemple de métier relié à la construction navale, il convient cependant de préciser que la véritable tonnellerie Robin n’était pas située à cet endroit. En 1870, sous la désignation de « Cooper Shop », la tonnellerie était plutôt localisée à une trentaine de mètres au sud-est, dans le stationnement de l’actuelle usine Unipêche MDM. Le pilier de béton, qui subsiste encore aujourd’hui, était situé juste à côté.
Chronologie
[entre 1815 et 1819] : Construction du bâtiment désigné comme “Boat House, Pitch Store, Ships Stores, House”.
1845 : Utilisation comme bureau des charpentiers de marine et entrepôt (“Shipwright’s Office and Store”).
1870 : Utilisation comme atelier de fabrication de peinture, cordages et poulies (“Paint, Rope and Block Shop”).
[vers 1920] : Ajout d’une cheminée.
[vers 1940] : Construction d’un corridor reliant la tonnellerie et l’accueil.
[vers 1960] : Construction du corridor reliant la forge.
[vers 1970] : Recouvrement des murs avec du bardeau d’amiante et changement de couleur (vert et blanc).
[vers 1980] : Ajout d’une petite cheminée.
1989 : Travaux de restauration.
2003 : Travaux de restauration (Boudreau, Fortier et Associés).
Références
Bergeron Gagnon. Site historique du Banc-de-pêche-de-Paspébiac: Rapport d’intégrité. Québec, Boudreau Fortier et associés, 2003. 91 pages.
Marc Thériault. Rapport d’expertise: Évaluation de la structure du Complexe La Forge. Amqui, Innovation Amerik, 2019. 9 pages.
Comité pour la sauvegarde des bâtiments historiques. Le dossier d’utilisation des bâtiments historiques de Paspébiac. Québec, 1980. 96 pages.
Yves Frenette. Les Anglo-Normands dans l’Est du Canada. Ottawa, La Société historique du Canada, 1996. 18 pages.
Transcription des entrevues avec Ernest Moulin et Léonard Lebrasseur.
Document-synthèse
2021 Tonnellerie – Histoire, architecture et iconographie