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Les femmes ont souvent été peu considérées dans l’écriture de l’histoire des pêches. Elles ont cependant joué un rôle majeur dans le séchage de la morue, dans les usines modernes de transformation ainsi que dans la sauvegarde des bâtiments historiques de Paspébiac! S’il reste encore beaucoup de recherches à faire, voici néanmoins quelques éléments à souligner quant à leur contribution à l’histoire du banc de Paspébiac. 

Les familles de pêcheurs

En Gaspésie, au 19e siècle, une grande partie de la production de morue séchée provient des petits établissements familiaux. Si le père de famille s’occupe de pêcher, c’est cependant la femme et les enfants qui s’occupent d’apprêter, de saler et de sécher la morue. Une fois complètement déshydratée, la morue est vendue aux compagnies de pêche, dont la Robin et la LeBoutillier Brothers. 

Si nous n’avons pas de chiffres exacts pour la Gaspésie, du côté de Terre-Neuve, les chercheurs estiment que 30% des travailleurs de la pêche sont des femmes. De manière générale, le travail des femmes revêt aussi une importance fondamentale dans l’économie familiale: cuisine, soin des enfants, ménage, couture, lavage, jardinage, etc. Tous ces éléments font une grande différence dans le niveau de vie des familles de pêcheurs. 

Au plan géographique, si les grandes compagnies possèdent la majorité des terrains sur le banc de Paspébiac, d’autres zones ont potentiellement pu être utilisées par les familles de pêcheurs. Le plan de 1870 permet ainsi de relever la présence de plusieurs petits propriétaires de lots. Parmi eux, nous trouvons d’ailleurs la trace d’une femme, Mme Albert, qui a vraisemblablement hérité du terrain à la suite du décès de son mari. 

Une gravure réalisée en 1883-1884 permet aussi de documenter l’existence d’activités de déchargement du poisson à l’intérieur du barachois, du côté ouest, juste au bas de la falaise. De plus, à l’extrême-est du banc de Paspébiac, une photographie aérienne datant de 1926-1927 permet de constater la présence d’autres embarcations et de bâtiments de pêche, à proximité de l’actuelle plage à Norbert. 

Finalement, toutes les familles des alentours possédant des terrains en bordure de la baie des Chaleurs, ont aussi pu utiliser cet accès à l’eau pour pêcher et transformer eux-mêmes la morue. 

Au sein des grandes compagnies 

Au 19e siècle, dans les établissements des compagnies Robin et LeBoutillier Brothers, les hommes occupent la totalité des postes d’administrateurs, de superviseurs, de commis, de capitaines, de marins, d’artisans, de journaliers et d’engagés (pêcheurs ou graviers). Ailleurs en Gaspésie, nous avons toutefois pu trouver la trace de certaines femmes embauchées pour faire la cuisine ou l’entretien ménager. 

La situation va toutefois changer au cours du 20e siècle. Par exemple, nous trouvons d’abord davantage de femmes embauchées parmi le personnel administratif de la compagnie Robin. Par exemple, selon Simon Castilloux, interviewé au début des années 1980, il y avait sept ou huit femmes qui travaillaient autrefois dans le «Grand Office». Les archives dévoilent également la présence de quelques femmes dans le personnel des magasins généraux, notamment à Bonaventure. 

Le grand tournant sera cependant l’ouverture de l’usine de transformation de la compagnie Robin en 1954. Comme ailleurs en Gaspésie, la main-d’œuvre des usines de poisson est ainsi essentiellement féminine. À Paspébiac, le phénomène se poursuit d’ailleurs ensuite avec la construction de l’actuelle usine de transformation en 1966. 

Préservons nos bâtiments historiques! 

Finalement, un dernier élément apparaît incontournable concernant la contribution des femmes à l’histoire du banc de Paspébiac. Alma Nadeau-Poirier, Thérèse Allard-Arsenault, Enid Legros-Wise et bien d’autres… le mouvement de sauvegarde des bâtiments historiques de Paspébiac a d’abord été initié par des femmes, dont la plupart rattachées au Centre de recherches et d’artisanat (CRÉA). 

En terminant, lors de votre visite des bâtiments historiques, nous vous invitons ainsi à vous remémorer toutes ces femmes qui ont marqué l’histoire du Site historique national de Paspébiac. 

Pour en savoir plus

Roch Samson. La pêche à Grande-Grave au début du XXe siècle. Ottawa, Environnement Canada, 1980. (Histoire et Archéologie, 41). 151 pages. http://parkscanadahistory.com/series/ha/41-fra.pdf

Site historique national de Paspébiac. “Entrevue avec Simon Castilloux”, cassette 3, 1980: https://youtu.be/T47lRAuGE3o?si=ixhtuq66vW0zZrvn

Roch Samson. Pêcheurs et marchands de la baie de Gaspé au XIXe siècle. Ottawa, Parcs Canada, 1984. 148 pages. http://parkscanadahistory.com/series/saah/gaspe-fr.pdf

Nicole Thivierge, “Les femmes dans l’histoire de Rimouski : la face cachée du développement”, Revue d’histoire du Bas-Saint-Laurent, vol. 19, no 2, 1996, p. 101. 

Jeannot Bourdages. « Magasiner chez Robin à Bonaventure », Magazine Gaspésie, no. 170, hiver 2011: p. 27-30.

Miriam Wright, “Les femmes et la pêche côtière 1800 – 1940”, Newfoundland and Labrador Heritage Website, 2001: https://www.heritage.nf.ca/articles/en-francais/economy/femmes-peche-cotiere.php

“Une conférence de Jean-Marie Thibeault sur l’importance des femmes dans l’histoire gaspésienne”, Bon pied, bonne heure, Radio-Canada, entrevue de Marie-Claude Tremblay, 6 mars 2020: https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/bon-pied-bonne-heure/segments/entrevue/157920/conference-importance-femmes-dans-histoire-gaspesienne

Irvin Whittom. Les dames en blanc. Irvin Whittom, [Granby], [2021]. 201 pages. 

Camillia Buenestado-Pilon, “La Barge, le CREA et le Cercle des fermières de Paspébiac”, Patrimoine Paspébiac, page consultée le 24 octobre 2023: https://patrimoinepaspebiac.com/patrimoine-culturel/barge-crea/

Leonard Jordaan et J. Larry Carey, “Femme de pêcheur”, Site historique national de Paspébiac, documentaire présenté dans l’exposition Paspébiac 1886, 4 min 10 sec: https://youtu.be/7LOlzOF-HFE?si=kb5YEZ8XvE0wOmdd