Le site historique du Banc-de-Pêche-de-Paspébiac a été classé le 17 juillet 1981 par le ministre des Affaires culturelles.
Texte de la plaque commémorative
Le banc de pêche de Paspébiac est exploité par Charles Robin à partir de 1766. Chassé par les corsaires américains en 1778, Robin regagne Paspébiac en 1783. L’endroit devient alors le principal poste de pêche de sa compagnie. En 1838, l’entreprise Le Boutillier and Brothers s’installe aussi à Paspébiac. Le négoce de ces deux sociétés jersiaises fait alors de ce poste de pêche une plaque tournante du commerce international de la morue pendant le XIXe siècle et le début du XXe siècle. Ce site rappelle l’importance de la pêche pour le peuplement et le développement économique de Paspébiac et de toute la péninsule gaspésienne. Les bâtiments qui subsistent sont représentatifs des établissements de pêche commerciale du XIXe siècle.
Description
Le site patrimonial du Banc-de-Pêche-de-Paspébiac est un complexe industriel de pêche à la morue aménagé du XVIIIe au XXe siècle. Cet établissement se compose de douze bâtiments (huit en bois de facture vernaculaire, deux en pierre de facture simple et deux de facture plus moderne) et d’une structure en béton. Il comporte une poudrière de pierre (1788); trois « cook-room » et le hangar Robin (début XIXe siècle); un entrepôt de la compagnie Le Boutillier (entre 1845 et 1850); un hangar à farine, une charpenterie et une forge (avant 1870); un « office » de pierre (fin du XIXe siècle); une usine à poisson et un frigo (XXe siècle) ainsi qu’une ancienne chambre forte de béton. Le complexe industriel est situé sur le barachois de Paspébiac, dans la ville du même nom.Ce bien est classé site patrimonial. Un site inscrit à l’Inventaire des sites archéologiques du Québec est associé au lieu.
Valeur patrimoniale
Le site patrimonial du Banc-de-Pêche-de-Paspébiac présente un intérêt pour sa valeur historique. Ce complexe constitue un témoin privilégié de l’industrie de la pêche, principal moteur du développement socio-économique de la Gaspésie aux XVIIIe et XIXe siècles. Cette région, réputée pour ses eaux poissonneuses, est d’abord fréquentée par les Amérindiens, puis par les Français dès le XVIe siècle. Néanmoins, les établissements permanents de pêche commerciale sont surtout associés au Régime anglais, puisque c’est à cette période que des entreprises originaires de l’île de Jersey, dont la compagnie Charles Robin qui exploite le banc de Paspébiac, s’y installent pour pêcher et transformer la morue. Elles produisent de la morue salée et séchée, de la morue verte (salée mais non séchée) et de la morue fraîche qui sont exportées notamment en Amérique du Sud et en Europe.
Ces sociétés possèdent plusieurs postes de pêche, où elles utilisent un système de gestion basé sur le crédit et le paiement en nature. Ce système place les pêcheurs sous la dépendance de l’entreprise, qui leur fournit des marchandises et du matériel avant le début de la saison de pêche. Les pêcheurs remboursent leur dette à même leurs prises selon les conditions fixées par la compagnie, et la part de poisson qui leur revient doit être échangée dans des magasins aussi sous son contrôle. Le banc de Paspébiac est le chef-lieu de la compagnie Robin au Canada, sa principale base commerciale dans la péninsule gaspésienne au XIXe siècle ainsi que le lieu de naissance de la compagnie Le Boutillier, fondée en 1833 par un ancien employé des Robin. Ces deux compagnies sont les plus puissantes entreprises de pêche anglo-normandes de la Gaspésie. La concentration des opérations à Paspébiac fera de la localité une plaque tournante pour le commerce international des pêches au Canada.
Le site patrimonial du Banc-de-Pêche-de-Paspébiac présente également un intérêt pour sa valeur historique liée à sa représentativité en tant qu’établissement de pêche commerciale du XIXe siècle. Les infrastructures de pêche de cette époque se composent d’installations et de bâtiments riverains utilisés pour le séchage de la morue ainsi que d’édifices affectés aux diverses étapes de la mise en marché du poisson, allant de la pêche à la transformation de la ressource en passant par la gestion des opérations. Ainsi, le complexe du banc de Paspébiac comprend des entrepôts pour l’hivernage des navires et le remisage des agrès; des installations pour la construction et l’entretien des navires, dont une charpenterie et une forge; une usine de transformation appelée « chafaud »; des locaux pour l’entreposage des produits finis; des bâtiments pour les employés, dont des « cook-room » où sont servis les repas; et des locaux pour l’administration, comme l’« office ». Il s’agit de l’établissement de pêche commerciale québécois le mieux préservé. De plus, le site archéologique qui lui est associé permet de dater et de préciser les activités qui s’y sont déroulées. Enfin, l’usine à poisson et le frigo illustrent la continuité de l’occupation du lieu pour la pêche commerciale.
Le site patrimonial du Banc-de-Pêche-de-Paspébiac présente aussi un intérêt pour sa valeur historique liée à la colonisation de la baie des Chaleurs. La baie ne se développe en effet que très lentement sous le Régime français et compte une population résidante peu nombreuse. Les premiers hameaux sont détruits ou lourdement endommagés par les troupes britanniques pendant la guerre de Conquête. L’installation d’une société de pêche jersiaise à Paspébiac en 1767 marque donc un tournant. Le banc de Paspébiac, qui est l’un des plus anciens établissements permanents de la baie et le plus vaste de cette partie de la Gaspésie, nécessite beaucoup de main-d’oeuvre et, par conséquent, stimule le peuplement de la baie des Chaleurs. (Source : Ministère de la Culture et des Communications du Québec, 2004.)
Éléments caractéristiques
Les éléments caractéristiques du site patrimonial du Banc-de-Pêche-de-Paspébiac liés à ses valeurs historiques comprennent, notamment :
– sa situation à proximité de la grève, sur le barachois de Paspébiac;
– la concentration de bâtiments, notamment les trois « cook-room », le hangar à farine, la charpenterie, la forge, le grand entrepôt de la compagnie Le Boutillier, l’usine à poisson et le frigo, le hangar Robin, la poudrière et l’« office »;
– la présence d’un site archéologique euroquébécois;
– les particularités des bâtiments en bois de facture vernaculaire, dont le plan rectangulaire, le solage peu dégagé, le lambris peint en blanc et rouge et le toit à versants droits couvert en bardeau de cèdre;
– les particularités des deux bâtiments en pierre de facture simple, dont le plan rectangulaire, le solage peu dégagé et le toit à versants retroussés couvert en bardeau de cèdre;
– la présence de deux bâtiments de facture plus moderne et d’une structure en béton;
– les particularités du grand entrepôt de la compagnie Le Boutillier, dont le plan rectangulaire, l’élévation de cinq étages, le toit à versants droits, la façade principale largement fenêtrée aménagée sur l’un des murs pignons, le parement en bardeau de cèdre peint en blanc, les planches cornières et les chambranles peints en rouge, le toit couvert en bardeau de cèdre et les fenêtres à guillotine.
Informations historiques
Le site patrimonial du Banc-de-Pêche-de-Paspébiac est d’abord fréquenté par les Amérindiens. Des Basques et des Français pêchent probablement près de la côte dès le XVIe siècle. Il est possible que des postes soient aménagés par les pêcheurs au XVIIe siècle. En 1707, la seigneurie de Paspébiac est concédée à Pierre Haimard (1674-1724), marchand, juge prévôt de la seigneurie Notre-Dame-des-Anges et substitut du procureur général au Conseil supérieur. Son beau-fils Louis Gosselin s’établit à Paspébiac et y fait construire les infrastructures nécessaires à l’exploitation des ressources halieutiques. En 1758, les diverses installations utilisées pour les activités de pêche ainsi que le domaine seigneurial sont détruits par les troupes britanniques.
Les activités reprennent en 1767, quand Charles Robin (1743-1824) vient faire la pêche et le séchage de la morue sur le barachois de Paspébiac, dans la baie des Chaleurs. Robin retourne à Jersey en 1778, au moment où l’établissement de Paspébiac est la proie de corsaires durant la guerre d’Indépendance américaine. Aussi ne subsiste-t-il aucun bâtiment témoignant de cette période d’activité.
Charles Robin revient à Paspébiac en 1783, après la fondation de la compagnie portant son nom. Il met en place un système de gestion basé sur le crédit et le paiement en nature. Le complexe de pêche prend rapidement de l’envergure et plusieurs bâtiments sont érigés pour la compagnie Charles Robin, puis pour la compagnie Le Boutillier fondée en 1833 par l’un des employés des Robin.
La poudrière en pierre est bâtie en 1788, à une époque où la compagnie Robin est en pleine expansion, et elle constitue aujourd’hui le plus ancien bâtiment de l’ensemble. Deux des trois « cook-room » auraient été érigés vers 1800. À l’origine, on y prépare et sert les repas aux engagés de la compagnie Robin mais par la suite, au XXe siècle, ils sont utilisés comme entrepôts puis comme salles à manger pour les employés de l’usine de transformation de poisson adjacente. L’entrepôt de la compagnie Le Boutillier est construit entre 1845 et 1850. Cette imposante construction de bois, qui sert à la transformation de la morue, demeure l’un des plus intéressants bâtiments du site. Le hangar à farine, la charpenterie et la forge, quant à eux, ont été bâtis avant 1870. La charpenterie et la forge servent à l’entretien de l’équipement de pêche et emploient plusieurs artisans spécialisés de la baie des Chaleurs ou de Paspébiac. L’« office », en pierre comme la poudrière, aurait été érigé pour servir de bureau à la compagnie Le Boutillier. Le bâtiment est ensuite transformé en usine d’extraction d’huile de foie de morue. Quant à l’usine à poisson et au frigo, ce sont des constructions du XXe siècle.
À la suite de l’apparition des coopératives de pêcheurs à partir des années 1920, la compagnie Robin change de vocation. Elle exploite désormais des magasins généraux. En 1964, un incendie détruit la plupart des 70 bâtiments encore debout. Le site patrimonial du Banc-de-Pêche-de-Paspébiac est classé en 1981 afin de préserver les bâtiments qui ont échappé à l’incendie. Depuis, plusieurs immeubles ont été restaurés et accueillent un centre d’interprétation de l’histoire de l’industrie de la pêche en Gaspésie.