Par le passé, plusieurs hypothèses ont été proposées concernant la fonction et la date de construction de l’Office LeBoutillier Brothers. L’historien André Lepage indique qu’il pourrait s’agir du bureau des douanes installé à Paspébiac en 1865. C’est cependant peu probable puisque nous avons récemment trouvé un plan de 1872 permettant de localiser cet édifice ailleurs sur le banc de Paspébiac.
En 2003, les auteurs du rapport d’intégrité des bâtiments ont avancé l’idée que l’Office aurait été construit par la compagnie Robin, racheté par la LeBoutillier Brothers et déplacé sur son site actuel. Aucun document d’archives ne permet cependant d’appuyer cette hypothèse. Il y a également lieu de s’interroger sur les motifs d’une telle transaction. Pourquoi la compagnie Robin aurait-elle vendu ce bâtiment à sa concurrente? De plus, l’existence d’une fondation en pierre, une chose très rare sur le banc, plaide plutôt en faveur d’une construction sur son site actuel.
L’étude des plans et photographies permet d’établir avec certitude que l’Office apparaît sur son site actuel entre 1866 et 1888. Par ses matériaux, sa petite dimension et ses ornementations, l’édifice s’avère tout à fait unique parmi les établissements du golfe du Saint-Laurent. L’usage de la pierre s’avère d’abord extrêmement rare dans l’industrie de la pêche.* De plus, les bâtiments administratifs sont généralement de plus grande dimension afin de pouvoir loger le gérant et ses assistants. Finalement, les bâtiments sont souvent marqués par leur simplicité et leur caractère purement utilitaire.
Fait encore plus curieux, les murs sont composés d’un assemblage de pierres et de briques. Cette technique inusitée, quoique attestée ailleurs au Québec, est potentiellement liée à un recyclage de matériaux. Il pourrait s’agir de matériaux utilisés pour lester les navires de transport de la compagnie. Cette façon de faire s’accorderait d’ailleurs très bien à l’esprit d’économie, voire d’avarice, souvent associé aux compagnies jersiaises.
Pour masquer cet assemblage quelque peu hétéroclite, les constructeurs l’ont ensuite recouvert d’un crépi, agrémenté d’un lignage au fer. À l’époque, cette technique vise à imiter la pierre de taille afin de donner un aspect plus luxueux. Au final, le bâtiment possède donc un caractère résolument bourgeois, qui ne peut qu’être associé à des fonctions administratives. Selon un ancien travailleur, Benjamin Parisé, c’est bien le bureau des LeBoutillier Brothers, c’est-à-dire l’endroit où travaillent les agents et où les travailleurs reçoivent leur paye.
En se replaçant dans le contexte d’époque, il est possible que la compagnie LeBoutillier Brothers ait voulu affirmer son importance, surtout face à sa concurrente: la puissante compagnie Robin. Quelques années auparavant, elle a fait construire à proximité l’Entrepôt LeBoutillier (BB), qui est d’une dimension jamais vue dans l’industrie de la pêche. Ne serait-il pas possible qu’elle veille ensuite se démarquer par un bâtiment à l’aspect plus recherché?
Après la crise financière de 1886, la compagnie LeBoutillier Brothers connaît toutefois des difficultés. Cela se reflète dans l’état général du bâtiment. L’étude des photographies permet d’observer une dégradation au fil des années. Les volets disparaissent, le crépi se détériore… En 1926, la LeBoutillier Brothers déclare finalement faillite. Elle vend alors le bâtiment à la compagnie Robin.
L’Office subit alors une transformation importante. Fini le luxe et les intérieurs bourgeois! À partir de ce moment, le bâtiment est équipé de bouilloires et transformé en petite usine de production d’huile de foie de morue. À partir des années 1960, il est simplement laissé à l’abandon par la compagnie.
Chronologie
[entre 1866 et 1888]: Date probable de construction.
[Entre 1888 et 1919]: Traces de détérioration du crépi et disparition des volets aux fenêtres.
[ca 1920] : Abandon, conversion et/ou disparition de plusieurs bâtiments de la compagnie LeBoutillier Brothers.
[ca 1930]: Installation d’une nouvelle cheminée, probablement liée à la production d’huile de foie de morue.
[ca 1960-1970]: Recouvrement en tôle par-dessus le bardeau de cèdre.
1981-1983: Travaux de restauration (Jean-Luc Heyvang, architecte).
1989: Travaux de restauration GID Design (Émile Gilbert, architecte).
1990: Construction d’un escalier extérieur et d’une rampe pour handicapés.
[ca 1998]: La faîtière est prolongée et terminée en biseau.
2004-2005: Travaux de restauration (Boudreau Fortier et Associés).
Document-synthèse